![]() Retour à l'accueil | ÉLÉMENTS DE L'HISTOIRE GÉOLOGIQUE DE MAYOTTE |
par Alain Mercier |
Situé entre Madagascar et l'Afrique de l'Est, l'archipel des Comores s'étend sur près de 270 km selon une direction générale N120°E (WNW-ESE), séparant le Canal du Mozambique, au Sud, du bassin de Somalie, au Nord (doc. 1).
Jusqu'à 4,5 - 5Ma ( fin Miocène-début Pliocène), l'activité est franchement effusive : à la faveur de crises, entrecoupées de périodes d'inactivité, les deux volcans, au fonctionnement simultané, émettent en abondance des laves basaltiques fluides représentées principalement par des basanites, des basaltes à clinopyroxène +/- olivine, minéraux auxquels s'ajoute dans le Sud, la néphéline. Ces laves alcalines sous-saturées voire très sous-saturées en silice, pour celles du Sud, constituent aujourd'hui l'essentiel de Grande-Terre; étant les plus vieilles (les plus anciennes ont été datées à 7,7 Ma), ce sont aussi les plus altérées, jusqu'à être parfois latéritisées. De 4,5 - 5 Ma jusquà 2,5 Ma (Pliocène) : Les deux appareils principaux émettent des produits qui vont devenir de plus en plus différenciés traduisant une évolution chimique des magmas : ils s'enrichissent progressivement en silice et en alcalins (Na, K) du fait d'une cristallisation fractionnée. Mise en lumière par une érosion intense, cette évolution va marquer les paysages de Mayotte; ainsi :
Durant cette période, l'activité volcanique du Nord tend à se déplacer vers l'ESE : un troisième centre d'emission commence à s'individualiser entre les deux volcans existants (région de M'Tsapéré, fig. 2'). En raison des vidanges successives de leur chambre magmatique respective, associée probablement à une diminution de leur alimentation par du magma sous-jacent, ces deux édifices primitifs sont affectés d'effondrements conduisant pour chacun, à la formation d'une ou de plusieurs caldeiras (caldeiras emboitées?). Soumise à l'érosion et à l'affaissement de l'ensemble du bâti volcanique sous l'effet de son propre poids, l'île commence à s'enfoncer dans l'océan : les caldeiras sont progressivement submergées; celle du Sud se retrouve actuellement au niveau de la baie de Boueni, alors que celle du Nord disparaît en mer au large de la région de Mtsamboro. Entre 2,2 Ma et 2 Ma (fin Pliocène), une distension de la croûte océanique entraine une reprise de l'activité effusive dans le Nord : du magma basaltique s'injecte dans les nombreuses fissures crées par la distension et alimente des coulées de laves fluides qui vont couvrir des reliefs depuis la partie NW de l'île jusqu'au delà de la baie de Longoni vers le SE.
De 1,8 à 1,4 Ma (début Pléistocène), l'activité se concentre et s'accroît fortement au niveau du troisième volcan en cours d'édification au NE de l'île (volcan de M'Tsapéré, doc. 2'); elle se traduit par la production en abondance de laves différenciées, alcalines et visqueuses, qui vont former le très volumineux massif de phonolites et téphri-phonolites de M'Tsapéré et quelques coulées tardives du massif voisin de Digo. Il est possible que la production des laves phonolitiques soit en relation avec l'épisode de distension crutale évoquée précédemment : par étirement de la croûte, cette distension a pu entrainer une remontée des isogéothermes permettant la fusion partielle des basaltes de la croûte générant ainsi des liquides plus différenciés. A la suite de cet épisode majeur, l'activité volcanique va se réduire très fortement pour se mettre en "sommeil" pendant près de 1million d'années. Les formations de l'île continuent à être soumises à l'altération et à l'érosion. Du fait des différences d'âges et de résistance à la dégradation, l'érosion différentielle accentue les contrastes lithologiques. Les apports de matériaux volcaniques ne compensant pas sa subsidence, l'île continue à s'abaisser, une barrière corallienne se développe alors par place. Vers 500 000 ans (Pleistocène moyen) , l'activité reprend brutalement, au NE de Grande Terre; elle est maintenant explosive. La production d'un magma différencié visqueux de composition trachytique (plus riche en silice) et sa rencontre avec l'eau, est à l'origine d'un volcanisme phréato-magmatique se traduisant par de violentes explosions et des écoulements pyroclastiques très turbulents composés principalement de ponces et de cendres. Les retombées et les dépôts de pyroclastites vont s'étendre sur une grande surface et constituer de gigantesques anneaux autour de cratères d'emission des secteurs de Kavani et de Kaweni, où ces dépôts présentent des figures sédimentaires bien marquées (stratifications entrecroisées, laminations...). La subsidence de l'île continuant, les coraux se développent, édifiant une barrière récifale qui délimite maintenant un vaste lagon. Ce dernier est soumis aux variations du niveau de la mer et peut se retrouver parfois totalement découvert (exondé), comme ce fut le cas au Pleistocène supérieur, lors de la période glaciaire du Würm (80 000 à 10 000 ans) où le niveau de la mer a chuté de plus de 120 mètres par rapport à son niveau actuel. De moins de 50 000 ans jusqu'à environ 7000 ans (fin Pléistocène - début Holocène): l'activité se déplace vers le SE. Elle présente d'abord un style typiquement strombolien caractérisé par l'épanchement de coulées et des projections explosives de laves basaltiques.
Vers la fin de cette période, l'activité volcanique se concentre uniquement au niveau de Petite-Terre, où elle redevient explosive.
Depuis, aucune manifestation volcanique n'a été décelée à Mayotte; seules quelques émanations gazeuses, s'échappant actuellement d'un petit cratère sous marin au niveau du platier oriental de Petite-Terre, trahissent encore une activité des plus ténue. Soumises à l'altération et à l'érosion, particulièrement intenses sous ces latitudes, les formations volcaniques sont impliquées dans les processus sédimentaires qui conduisent à une atténuation des reliefs : l'île s'aplanie. Elle s'enfonce aussi; parallélement, les coraux, qui avaient disparu, se développent de nouveau au niveau de la barrière récifale et d'un récif frangeant : le lagon réapparaît. Des plages de sables de différentes origines apparaissent ainsi que des zones littorales abritées où s'installe la mangrove.
L'origine du volcanisme qui a généré l'archipel des Comores
n'est pas établie à ce jour et est encore sujet à discussion.
Elle est à chercher dans les processus géodynamiques globaux et
complexes qui ont façonné cette partie de l'Océan Indien.
L'origine du volcanisme
est considérée selon deux modèles : l'un implique l'existence
d'un "point chaud" fixe, l'autre, la réactivation de structures
lithosphèriques préexistantes.
Le modèle du "point chaud" fixe Volcanisme toujours actif en Grande Comore avec le Karthala, différences de niveaux d'érosion et de stades de développement des récifs coralliens, nombre d'observations, partiellement confortées par des données géochronologiques, montrent une migration de l'activité volcanique vers l'ouest au sein de l'archipel des Comores. C'est pour expliquer cette migration que l'hypothèse du point chaud fixe a été avancée.
Chaque percement générant un volcan au sein de cette plaque, un chapelet d'édifices volcaniques s'est formé, les plus agés étant les plus éloignés du point chaud (doc. 10). Certains auteurs ont reconnu une telle structure dans l'arc volcanique qui s'étend depuis des îlots au NE de Madagascar, pour les plus anciens, jusqu'aux îles de l'archipel des Comores, pour les plus jeunes, en passant par les îles Glorieuses et les bancs du Geyser et Zélée. Ce point chaud serait actuellement localisé au niveau de la Grande Comore (doc. 10).
Encore couramment invoquée, cette hypothèse est de plus en plus remise en question, notamment car : 1) elle se heurte au schéma général de déplacement des plaques dans cette région; 2) elle ne rend pas compte de la succession des âges obtenus, l'édification d'Anjouan apparaissant plus récente que celle de Mohéli (3,9 Ma et 5 Ma respectivement) Bien que discutable, ce modèle n'est pas à rejeter pour autant; des données nouvelles sur les panaches mantelliques pourraient le réhabiliter. Ainsi des travaux récents mettent en évidence que : 1) les points chauds sont mobiles; ils se déplaceraient de 2 cm par an, parfois de plus de 4 cm par an, en changeant de direction. Cette mobilité serait due aux mouvements de convection du manteau qui déstabiliseraient le panache mantellique. Leur base pourrait elle aussi se déplacer. 2) Les gros panaches profonds peuvent se scinder en de petits panaches plus superficiels qui vont avoir leur propre évolution; dans ce cas, la présence des masses continentales africaine et malgache, constituées de matière plus "froide", pourrait avoir joué un rôle prépondérant dans les mouvements thermiques. Le modèle des structures lithosphériques préexistantes réactivées Le déplacement vers le SSE du bloc portant Madagascar selon l'actuelle ride de Davie (fig. 4) aurait entrainé la réactivation de failles préexistantes, zones de faiblesse lithosphérique, qui ont pu ainsi rejouer à plusieurs reprises, favorisant la remontée de magma basaltique. Parmi les atouts de ce modèle :
Identifier l'origine du volcanisme nécessite des travaux complémentaires.
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- Emerick C.M. & Duncan R.A., 1982. Age progressive volcanism in the Comores Archipelago, Western Indian Ocean and implications for Somali plate tectonics. Earth and Planetary Science Letter, 60, 412-428. - Emerick C.M. & Duncan R.A., 1983. Errata, Earth and Planetary Science Letter, 62, p. 439. - Le Bas M. J., Le Maître R. W., Streckeisen A & Zanettin B., 1986. A chemical classification of volcanic rocks based on the total alkali-silica diagram, Journal of Petrology, 27, 745-750. - Nougier J., Cantagrel J. M. & Karche J. P., 1986. The Comores archipelago in the western Indian Ocean: volcanology, geolchronology and geodynamic setting., Journal of African Earth Sciences, vol. 5, 2, 135-145. - Pour la Science, Dossier N°67, "La Terre à Cur ouvert ", avril-juin 2010. - Rabinowitz P., Coffin M. F. & Falvey D.,1983. The separation of Madagascar and Africa, Science, 220, 67-69. - Scotese, C. R., 2002. http: // www.scotese.com
- Stieltjes L., 1988. Carte géologique de Mayotte avec sa notice explicative. Editions du BRGM. |